François Villon et Bourg la Reine

Cet article est une réédition de l’article original publié dans le bulletin n° 103 de Juillet 2015 par Guy Lacassagne.

François Villon et Bourg-la-Reine

L’ouverture récente à Bourg-la-Reine d’une nouvelle médiathèque dénommée Fran-çois Villon m’a incité à faire un petit article sur ce grand poète de la fin du Moyen-Âge et ses rapports avec la ville de Bourg-la-Reine.

La nouvelle médiathèque de Bourg-la-Reine

La nouvelle médiathèque de Bourg-la-Reine

Précisons tout d’abord que l’auteur de la Ballade des Pendus a fait l’objet de l’émission d’un timbre en 1946 dans la série consacrée à des personnages célèbres du XVème siècle. Il accompagne Jean Fouquet (peintre), Philippe de Commynes (chroniqueur), Jean de Gerson (théologien), Jeanne d’Arc et Charles VII. Heureuse époque où les émissions de timbres (24 timbres dans l’année 1946) représentaient encore quelque chose.

François Villon Timbre de France 1946

Dessiné et gravé par Albert Decaris, dans son style caractéristique, le timbre a une valeur faciale de 2f + 1f, tarif correspondant au 2ème échelon de poids de l’imprimé. Il a été mis en service le 28 octobre 1946 et retiré le 14 mars 1947, avec un tirage de 2 250 000 séries.

François Villon
Timbre de France 1946


Né à Paris en 1431, orphelin de père, François de Montcorbier, dit Villon, est confié par sa mère à Guillaume de Villon chapelain de Saint-Benoît-le-Retourné, église en plein quartier universitaire. Il se charge de son instruction première, puis l’envoie faire des études à la faculté des Arts de Paris afin qu’il accède au statut privilégié de clerc. Villon obtient le premier grade de la faculté des arts en 1449 puis en 1452 la maîtrise des arts qui fait de lui un clerc, Dominus Franciscus de Montcorbier, portant tonsure, bon-net et robe longue. Les clercs comprennent alors presque toute la nation intellectuelle , avec de nombreux privilèges, mais les diplômés qui ne reçoivent pas de bénéfice, sans fonction, se retrouvent souvent en marge de la société.

Cette période est en outre une période de grands troubles universitaires suite à une querelle entre l’Université et le roi Charles VII. Les désordres étudiants se multiplient , entraînant la suppression des cours de 1453 à 1454. Villon, qui étudiait sans doute en théologie, néglige alors ses études, menant une vie joyeuse d’étudiant indiscipliné. Il fréquente des clercs de bonne famille, plus fortunés que lui mais dévoyés, joueurs et tricheurs.

Charles VII
Timbre de France 1946

Charles VII Timbre de France 1946

Le 5 juin 1455, soir de la Fête-Dieu, Villon tue un prêtre dans une rixe dans la rue Saint-Jacques. Agressé par un certain Philippe Sermoise, il doit tirer la dague pour se défendre et blesse le prêtre qui mourra le lendemain. Craignant la justice, il doit quitter Paris et se cacher pendant plusieurs mois. C’est alors que se situe l’épisode de Bourg-la-Reine.


Villon à Bourg-la-Reine

C’est dans le Testament, œuvre majeure de Villon, que l’on trouve une allusion à un séjour à Bourg-la-Reine.

Image censée représenter Villon dans la 1ère édition de ses oeuvres

Ce poème comprend 186 strophes de 8 vers, 16 ballades et 3 rondeaux. Dans ce testament facétieux et satirique, Villon imagine les legs les plus comiques aux gens qu’il déteste. Le huitain CXV est ainsi composé :

Item, donne à Perrot Girard,
Barbier juré du Bourg la Royne,
Deux bacins et un cocquemart,
Puis qu’à gaignier mect telle peine.
Des ans y a demye douzaine
Qu’en son hostel des cochons gras
M’appatella une sepmaine,
Tesmoing l’abesse de Pourras.

On ne connait rien de ce Perrot Girard, barbier (chirurgien) assermenté de Bourg-la-Reine. Le poète lui lègue deux bassins et une bouilloire, très utiles pour son travail. Il y a six ans (soit en 1455) cet homme l’a nourri de cochons gras dans sa maison pendant une semaine. L’appel au témoignage de l’abbesse de Port Royal indique que Villon a mené joyeuse vie pendant ce séjour. En effet Huguette du Hamel, abbesse de Port-Royal (Pourras) était célèbre pour ses dévergondages.
Quoiqu’il en soit, Villon peut regagner rapidement Paris grâce à la lettre de rémis-sion accordée en janvier 1456 par le roi Charles VII pour le meurtre de Philippe Sermoise. Dans cet acte, le roi tient compte du fait que la victime, avant de mourir, a pardon-né à son meurtrier et que celui-ci était un homme menant une vie honnête, ayant une bonne réputation et de bonnes fréquentations.

Villon passe l’année 1456 à Paris jusqu’aux environs de la Noël où il gagne Angers, soit disant pour fuir une maîtresse mais en réalité, semble-t-il, pour échapper à la justice suite à l’affaire du Collège de Navarre. Le Collège de Navarre, qui s’étendait en haut de la montagne Sainte-Geneviève, était le plus riche des collèges parisiens.
Image censée représenter Villon dans la 1ère édition de ses oeuvres.

Villon passe l’année 1456 à Paris jusqu’aux environs de la Noël où il gagne Angers, soit disant pour fuir une maîtresse mais en réalité, semble-t-il, pour échapper à la justice suite à l’affaire du Collège de Navarre. Le Collège de Navarre, qui s’étendait en haut de la montagne Sainte-Geneviève, était le plus riche des collèges parisiens.
Image censée représenter Villon dans la 1ère édition de ses oeuvres.


A la Noël 1456, cinq individus dont François Villon s’introduisent de nuit dans le Collège et dérobent 500 écus d’or dans les coffres de la sacristie. Un des participants est arrêté et donne les noms de ses complices. Dès lors Villon ne peut plus rentrer à Paris et va rester exilé de la ville pendant 6 ans. On le retrouve en décembre 1457 à Blois, à la cour du duc d’Orléans.

Portail du collège de Navarre
Charles d’Orléans Timbre de France 1965.

Charles, duc d’Orléans, petit-fils de Charles V et père du futur Louis XII, mène en 1415 les armées royales contre Henri V d’Angleterre. C’est le désastre d’Azincourt. Un millier de chevaliers sont faits prisonniers dont Charles d’Orléans, emmené en Angleterre.



La rançon est fixée à 220 000 écus d’or. Ce n’est que 25 ans plus tard que la rançon est payée et que Charles d’Orléans est libéré. Il se retire alors dans ses châteaux de Blois et de Tours et sa Cour devient le rendez-vous de tous les beaux esprits. Des albums recueillent les compositions du duc, lui-même grand poète, de ses courtisans et de ses invités. Dans un de ces manuscrits se trouvent trois ballades de Villon, retranscrites probablement par l’auteur lui-même. Mais le poète, s’étant moqué dans une de ses ballades d’un des favoris du prince, doit quitter assez rapidement la Cour de Blois.

Louis XI Timbre de France 1945

On le retrouve durant l’été 1461 emprisonné, pour une raison inconnue, à Meung-sur-Loire, dans la prison de l’évêque d’Orléans. Heureusement pour lui, le 2 octobre 1461 le nouveau roi, Louis XI, fait son entrée dans Meung-sur-Loire.


Comme il est d’usage lors de la première entrée d’un nouveau souverain dans une ville, on libère quelques prisonniers n’ayant pas commis de délits trop graves et Villon profite de cette coutume. Il re-tourne à Paris où il doit toutefois se cacher, car l’affaire du vol du Collège de Navarre n’est pas oubliée. C’est alors qu’il compose son œuvre principale, le Testament, dans la-quelle il se décrit seul, pauvre et prématurément vieilli.
A la fin du mois de novembre 1462, Villon est impliqué avec quatre de ses compagnons dans une rixe au cours de laquelle est blessé légèrement Maître Ferrebouc, notaire pontifical, un personnage important. Villon est arrêté et incarcéré au Grand Châtelet.
Etant donné ses antécédents et la qualité de la victime, il est condamné à « être étranglé et pendu au gibet de Paris ».. Il fait appel de la sentence devant le Parlement de Paris.
C’est en attendant sa décision qu’il compose la fameuse Ballade des pendus.

Freres humains qui après nous vivez

N’ayez les cueurs contre nous endurciz

………

Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.

La Ballade des Pendus


Le 5 janvier 1463, le Parlement casse le jugement rendu en première instance mais « eu égard a la mauvaise vie dudit Villon » le bannit pour dix ans de la ville. Villon quitte Paris le 8 janvier et on perd alors complètement sa trace. L’absence de nouvelle œuvre à partir de cette date laisse supposer une disparition assez rapide. Sur le timbre de 1946 figure la date de 1489 pour sa mort. C’est pour moi une énigme. L’ année 1489 est en fait la date de la première édition de ses œuvres.


On sait finalement peu de choses de la vie de Villon, si ce n’est ce que l’on peut apprendre de ses poèmes. Il a connu une célébrité immédiate, et influencé beaucoup de ses successeurs. Son œuvre n’est pas d’un accès facile : elle nécessite notes et explications. Je conseillerais à nos lecteurs les œuvres complètes dans la collection de la Pléiade. Elle comprend toutes les œuvres en version originale et en version moderne, mais aussi des documents d’archives et des textes sur Villon de Valéry, Carco, Cendrars etc. Un livre que vous pouvez trouver … à la médiathèque de Bourg-la-Reine.

G. Lacassagne

Sources

Toutes les illustrations de cet article

Liens

Vous trouverez de nombreux ouvrages sur François Villon à la médiathèque de Bourg la Reine.

Pour la Ballade des Pendus, vous pouvez lire cette analyse du texte (corrigé du baccalauréat) et écouter la magnifque lecture de Gérard Phiippe.

J’ai personnellement un faible pour la Ballade des Dames du Temps Jadis chantée par Georges Brassens

Pour les vraiment sérieux, vous pouvez écouter cette émission d’une heure trente sur France Culture.

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